Chaque matin, un souffle.Une parole simple, échangée entre deux êtres, à l’écoute du monde. Ici, le silence a une voix, les gestes ont une mémoire, et chaque mot est une pousse. Rien d’extraordinaire. Juste la beauté cachée des jours ordinaires.
Le vent s’était levé sans prévenir, glissant entre les lames des volets, apportant avec lui une odeur fugace, indéfinissable. Un parfum d’ailleurs.
Elle se figea, son bol de café chaud entre les mains, les pieds nus sur le carrelage froid.
— On dirait la mer, murmura-t-elle.
Il leva les yeux de son journal, puis ferma doucement les paupières, comme pour écouter sans bruit.
— Et pourtant, on est à des kilomètres de la côte. Elle hocha la tête, son regard semblant fixer un point qu’elle seule pouvait voir.
— Je sais. Mais parfois… l’air transporte des souvenirs plus que des odeurs.
Un silence flotta entre eux, doux comme un linge oublié au soleil.
— Tu veux dire que le vent se souvient à notre place ?
Elle sourit, presque étonnée par la justesse de cette phrase.
— Peut-être bien. Ou qu’il nous chuchote ce qu’on a oublié d’écouter.
Alors quelque chose remonta tout doucement d’une histoire enfouie. Un matin de juin, il y a longtemps. Des pas dans le sable encore froid, des rires étouffés par la marée montante, et cette sensation de liberté immense, presque irréelle.
— Ce jour-là… tu te souviens ? On marchait pieds nus, et le monde semblait attendre que l’on choisisse notre direction.
— Je croyais l’avoir oublié, dit-il. Elle le regarda avec tendresse.
— Il suffit parfois d’un courant d’air pour que la mémoire se remette à respirer.
Et puis elle ajouta, dans un souffle :
— Je crois qu’on ne peut pas vivre sans ces petits éclats.
Le silence revint. Mais cette fois, il avait le goût du sel et du vent.